Expertise Comptable
La blockchain et les experts-comptables
Le 16 juillet 2024
Modifié le 18 juin 2025
Qu’est-ce que la blockchain ?
La blockchain est « une technologie de stockage et de transmission d’informations, transparente, sécurisée, et fonctionnant sans organe central de contrôle », selon le spécialiste Blockchain in France. En d’autres termes, il s’agit d’« un très grand cahier, que tout le monde peut lire librement et gratuitement, sur lequel tout le monde peut écrire, mais qui est impossible à effacer, et indestructible », décrit pour sa part le mathématicien Jean-Paul Delahaye.
La spécificité de cette base de données est donc d’être partagée simultanément entre plusieurs participants. Chacun d’entre eux a accès à une copie de la base, ainsi qu’à tout l’historique qu’elle renferme. Il peut aussi la modifier à tout moment, sous réserve d’une validation via un processus de cryptographie.
L’irruption du bitcoin, rapidement suivi par d’autres monnaies virtuelles (Ethereum, Tether, et plus de 60 autres à date), a popularisé le terme et la méthode – en même temps qu’elle soulevait des questions propres aux crypto-monnaies : instabilité des cours, cadre réglementaire, impact environnemental… Mais l’arbre Bitcoin ne doit pas cacher la forêt Blockchain.
Une blockchain se compose de 3 éléments clés :
Pour constituer une structure décentralisée de stockage d’informations (une base de données) la fois infalsifiable, sécurisée et transparente, la blockchain s’appuie sur trois éléments clés : les blocs, les nœuds et les mineurs.
- Les blocs sont des groupements de transactions, de taille variable. Ils se distinguent les uns des autres grâce à un identifiant, un code unique appelé “hash” obtenu par référence au bloc précédent dans la chaîne ;
- Les nœuds sont les ordinateurs connectés à la blockchain. Ils hébergent chacun une copie de la base de données ;
- Les mineurs sont chargés de vérifier si les nouveaux blocs créés correspondent aux standards de sécurité. Ils garantissent l’authenticité des blocs, et donc de l’ensemble de la chaîne. Cette authentification repose sur des calculs et des algorithmes exécutés par les ressources informatiques des mineurs. Après cette vérification, le bloc validé est verrouillé au bloc précédent et devient accessible à tous les utilisateurs.
Les transactions ainsi certifiées sont immuables dans le temps. Les informations ne peuvent être supprimées, ni falsifiées. Lorsqu’une transaction erronée a été validée, elle ne pourra être annulée que par l’ajout d’un autre bloc créé à cet effet – à la manière d’une écriture d’avoir après l’émission d’une facture erronée.
Voir aussi : Schéma explicatif d’une blockchainÀ quoi sert la blockchain ?
La blockchain offre trois utilisations principales :
- Le transfert d’actifs est la plus connue (crypto-monnaies) ;
- Le suivi d’actifs ou de produits intéresse les écosystèmes qui ont besoin de partager de l’information tout au long d’un processus : par exemple les transporteurs maritimes qui ont besoin d’interagir avec des autorités portuaires, des douanes, des donneurs d’ordres ou encore des opérateurs de terminaux sur les docks ;
- Enfin les contrats intelligents (smart contracts), qui permettent d’exécuter une suite de transactions de façon autonome, car les blocs qui les contiennent sont capables de vérifier les conditions de leur réalisation et donc de s’auto-déclencher. Un bon exemple de ces smart contracts concerne la commande publique, depuis la passation d’un appel d’offres, jusqu’au règlement de la prestation.
Ces différentes utilisations ne nécessitent pas les mêmes types de blockchain. Typiquement, les blockchains publiques, ouvertes à tous les volontaires, sont particulièrement adaptées au transfert d’actifs.
En revanche, les acteurs professionnels peuvent préférer les blockchains privées. Le principe technique reste le même, mais des gérants apparaissent qui autorisent ou pas de nouveaux entrants à venir sur le réseau, avec des droits de lecture ou d’écriture différenciés.
En quoi la blockchain concerne les experts-comptables ?
La première utilisation connue de la blockchain dans la profession comptable concerne l’authentification professionnelle des confrères. Pour lutter contre les faux diplômes, le Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables génère depuis 2019 des attestations certifiées dans une blockchain publique (celle du Bitcoin). Une fois remise à l’intéressé, celui-ci peut l’adresser à un tiers, qui pourra facilement vérifier son authenticité en quelques clics sur le site de l’Ordre.
Plus généralement, en quoi cette technologie concerne-t-elle les experts-comptables ? « La blockchain va permettre d’accélérer l’audit (…) : on va disposer de données fraîches, sécurisées, fiables, et ainsi nous pourrons faire des contrôles de manière exhaustive et quasiment en temps réel. Donc un audit plus rapide avec une opinion et un niveau d’assurance plus élevé » indiquait dans Le monde du chiffre, Frédéric Léger, expert-comptable, associé et membre du directoire chez BDO France1.
Les possibilités offertes de définir des degrés de transparence peuvent aussi permettre de définir des responsables autorisés à ajouter des blocs de transaction à la chaîne, mais aussi de réguler quel utilisateur a accès à quel type d’information. Cela en ferait un support particulièrement pertinent pour la tenue d’un Journal et d’un Grand livre partagé au niveau intra-organisationnel, ainsi qu’avec des tiers extérieurs soigneusement sélectionnés (actionnaires ou auditeurs externes).
Traçabilité de l’information, sécurité des contenus, efficacité du processus… : avec ces trois qualités, la blockchain ne pouvait pas échapper longtemps à l’intérêt des professionnels du chiffre. Très tôt, des chercheurs se sont focalisés sur ce domaine d’application. « La blockchain, en tant que base de données avec des spécificités propres, pourrait constituer la prochaine évolution généralisée des supports comptables » concluent par exemple quatre d’entre eux2.
Lire aussi : La data, une réalité qui s’impose dans les cabinets
Les prochaines étapes
Conscients de l’importance de l’automatisation dans la poursuite de leur activité, les experts-comptables ne peuvent que s’intéresser aux démarches lancées par plusieurs entreprises pour automatiser le traitement de la facturation via un processus blockchain. Les bénéfices attendus concernent avant tout l’émetteur et le récepteur de la facture, mais intègrent aussi la possibilité de partager instantanément de l’information avec un ensemble d’acteurs à déterminer selon les besoins (administration, CAC, cabinet d’audit, affactureur, …).
Enfin, la smart accounting (pour comptabilité intelligente) emprunte le concept de smart contracts. Il s’agirait ici d’utiliser la blockchain comme outil de contrôle automatisé pour surveiller des opérations comptables à partir de procédures standardisées. Connecté à un réseau d’objets connectés (type IoT), faisant remonter des informations en temps réel sur l’état de stocks, ou la réalisation d’une livraison par exemple, certains optimistes voient même la possibilité d’émergence d’une comptabilité proche d’une actualisation en temps 100% réel.
Avant d’en arriver là, les cabinets ont beaucoup d’urgences à gérer. Et il faudra du temps pour bâtir la confiance dans le modèle de la Blockchain, encore marqué par la réputation plus ou moins sulfureuse des crypto-monnaies.
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[1] https://www.lemondeduchiffre.fr/numérique/71143-blockchain-service-comptabilite.html
[2] « Comprendre la blockchain : quels impacts pour la comptabilité et ses métiers ? », Olivier Desplebin (Université de Rouen), Gulliver Lux (IGR – IAE de Rennes) et Nicolas Petit (Institut franco-chinois de l’Université Renmin de Chine (Suzhou)
Comment construire et valoriser son patrimoine de données ?
Enjeux, conditions d’exploitation de la donnée, prérequis techniques, les facteurs clés de succès… et les pièges à éviter.
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