Comment l’IA redéfinit le quotidien des gestionnaires de paie

Une révolution technologique en cours

Une transformation progressive

Au cours des dernières décennies, les gestionnaires de paie ont déjà assisté à plusieurs évolutions technologiques : la digitalisation des tâches avec le passage des dossiers papier aux logiciels, l’introduction des solutions SaaS qui ont simplifié et sécurisé la gestion, ainsi que l’arrivée de l’EDI et de l’automatisation basique permettant d’améliorer les flux de données.

Cependant, comme le souligne Mathieu Vanderheyden, Head of Product Management Payroll chez Cegid : « Ces avancées, bien qu’indispensables, n’ont pas toujours réussi à transformer en profondeur le métier de gestionnaire de paie. Elles ont souvent été absorbées par l’évolution constante des réglementations ».

Ce que change l’IA générative

« L’IA générative représente une rupture dans l’approche métier », explique Mathieu Vanderheyden. Contrairement aux étapes précédentes, où les améliorations technologiques étaient incrémentales, l’IA intégrée dans les logiciels de paie permet d’automatiser et d’optimiser des processus plus complexes. Parmi les applications les plus marquantes :

• L’automatisation des variables de paie : collecte et vérification en temps réel des modifications comme les arrêts maladie ou les déclarations d’heures supplémentaires.

• La communication proactive : création de canaux pour interagir automatiquement avec les salariés concernant les données administratives.

• L’analyse prédictive : anticipation des impacts de changements réglementaires via des algorithmes puissants.

Ces évolutions permettent d’aller au-delà du simple traitement administratif pour explorer une nouvelle facette plus stratégique.

Du rôle de gestionnaire à celui de superviseur actif

Les défis traditionnels de la fonction paie

Pour livrer les bulletins de paie à temps et sans erreur, les professionnels de la paie se concentrent principalement sur des tâches administratives liées à :

• La gestion des données nécessaires à l’établissement de la paie ;

• la collecte des incidents de paie, embauches et départs ;

• la vérification et la distribution des bulletins de paie ;

• la gestion des obligations légales telles que la DSN et les déclarations sociales.

Ces tâches quotidiennes, bien qu’essentielles, prennent un temps considérable, surtout dans les grandes entreprises, ou dans des secteurs d’activité où les flux de collaborateurs sont particulièrement élevés.

Un autre défi majeur pour les gestionnaires de paie réside dans la communication constante avec les collaborateurs. Le fait de répondre aux demandes fréquentes des salariés mobilise beaucoup de ressources, au point que certaines entreprises disposent même d’équipes dédiées à cette mission, renforçant ainsi la dimension opérationnelle du métier.

Vers une supervision active

D’après l’étude Cegid/OpinionWay¹, 57% des équipes paie prioriseraient l’amélioration de la vérification et validation des bulletins de paie par l’IA, et 54% la vérification des DSN. Avec des logiciels de paie innovants, ces tâches pourront être automatisées et optimisées, libérant ainsi un temps précieux.

Le rôle de gestionnaire de paie va alors évoluer vers celui de superviseur actif. Au lieu d’exécuter manuellement certaines tâches, il validera et ajustera les processus. Par exemple :

• Contrôler la pertinence des différentes procédures et processus mis en place dans le cadre de la transmission des arrêts maladie ;
• Faire évoluer les processus internes pour rendre service aux salariés.

Pourquoi la fonction paie devient stratégique

Collaboration accrue entre départements

Grâce à l’intelligence artificielle, la fonction paie dépasse son rôle traditionnel pour s’imposer comme un véritable acteur stratégique au sein des organisations. Elle collabore étroitement avec les ressources humaines en partageant des analyses approfondies sur l’équité salariale et les projections d’effectifs, permettant ainsi une gestion plus éclairée.

Parallèlement, elle joue également un rôle clé dans le support aux finances, en fournissant des analyses détaillées de la masse salariale et en veillant à son alignement avec les budgets définis.

Par ailleurs, la fonction paie contribue activement à la gestion des talents en identifiant, grâce aux données analytiques, les besoins en formation pour optimiser le développement des compétences au sein des équipes.

Décisions basées sur des indicateurs clairs

L’intelligence artificielle permet de transformer les données brutes en indicateurs exploitables, influençant les décisions des comités de direction. Les tableaux de bord fournis consolident des insights clés, comme :

• Les variations de coûts liés aux effectifs.

• La compliance ou non-conformité avec les normes réglementaires.

• Les tendances dans les absences ou départs.

L’IA, un atout pour améliorer les compétences

Loin de craindre l’IA générative, les gestionnaires de paie doivent y voir une opportunité d’évolution professionnelle. Elle met à leur disposition des solutions innovantes qui facilitent leur prise de décision et optimisent leur performance opérationnelle.

Accessibilité technologique

Les dernières avancées technologiques transforment profondément la manière dont les gestionnaires de paie interagissent avec les outils numériques. Désormais, même les professionnels non techniques peuvent utiliser directement des solutions basées sur l’intelligence artificielle grâce à des interfaces de plus en plus intuitives.

Selon Mathieu Vanderheyden, « le langage naturel simplifie la configuration et l’adaptation des outils internes, rendant l’IA accessible à des experts métiers qui ne sont pas des experts techniques. » En d’autres termes, les entreprises pourront dorénavant personnaliser leurs processus plus rapidement, tout en réduisant leur dépendance à des experts techniques, ce qui ouvre de nouvelles opportunités d’efficacité et d’innovation.

Développement de nouvelles compétences

Avec ces transformations, plusieurs aptitudes deviennent essentielles :

• Analyse de données : Comprendre et interpréter des rapports analytiques complexes.

• Anticipation réglementaire : Adapter les outils aux changements constants des législations nationales ou internationales.

• Collaboration interservices : Travailler étroitement avec divers départements pour maximiser la valeur ajoutée des données de paie.

Freins et opportunités de la transition

La peur du changement

L’un des principaux obstacles reste la crainte de l’obsolescence des compétences traditionnelles, un sentiment partagé par de nombreux professionnels face à l’évolution rapide des technologies et des pratiques. Cette peur découle de l’idée que les compétences acquises au fil des années pourraient perdre leur valeur face à des outils et méthodes plus modernes.

Mais cette résistance au changement peut être surmontée grâce à la formation continue. En offrant des opportunités d’apprentissage et de mise à jour des compétences, les entreprises peuvent non seulement rassurer leurs collaborateurs mais aussi les accompagner dans une transition réussie vers de nouvelles pratiques. Chaque nouvelle compétence acquise dissipe un peu plus les craintes et renforce l’adaptabilité et la pertinence des employés dans un contexte professionnel en forte mutation.

Une valorisation accrue du métier

Pour 91 % des gestionnaires interrogés, l’utilisation d’une solution de paie intégrant l’IA conduit à un taux de satisfaction élevé grâce à :

• Une meilleure qualité de vie au travail, avec moins de tâches répétitives.

• Une reconnaissance accrue en tant que fonction stratégique.

Mathieu Vanderheyden résume parfaitement l’ambition de donner aux gestionnaires de paie les moyens de devenir des acteurs clé de l’organisation : « Nous ne voulons pas seulement accompagner l’innovation. Nous souhaitons en être la locomotive ».

L’avenir des gestionnaires de paie réside dans leur capacité à embrasser les opportunités offertes par l’IA tout en restant des experts essentiels. Cette nouvelle ère ne rend pas leur métier obsolète, mais le complète et le réinvente.

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¹ Étude OpinionWay réalisée auprès d’un échantillon de 110 responsables ou directeurs de paie d’entreprises privées de 250 salariés et plus, basées en France – exclusion de l’expertise comptable et du secteur public. L’échantillon a été constitué selon la méthode des quotas au regard des critères de taille salariale et de secteur d’activité. Les résultats ont été pondérés par ces mêmes critères.

L’échantillon a été interrogé par téléphone sur système CATI (Computer Assisted Telephone Interview) du 9 octobre au 5 novembre 2024.