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Propriété intellectuelle des salariés : du badge à la blockchain

21 décembre 2016

6 min

Dans un monde où l’innovation change perpétuellement la donne pour l’entreprise, la capacité des collaborateurs à imaginer, inventer, créer est plus que jamais décisive. Or, l’innovation étant presque toujours le fruit d’une collaboration, d’un collectif, la question de la propriété intellectuelle devient souvent épineuse. Est-il possible d’appréhender la notion de propriété intellectuelle collective d’une façon nouvelle, plus adaptée à l’économie du partage en pleine effervescence aujourd’hui ?

Nombre d’entreprises font face au problème d’une faible utilisation de leur réseau social interne (10% en moyenne d’utilisateurs actifs). Destinées à développer l’intelligence collective, les plateformes sociales ou collaboratives sont à la peine pour développer les nouveaux comportements associés : rebondir sur l’idée d’un collègue de travail ou synthétiser la réflexion d’un autre pour en tirer l’essence.

 

L’enjeu est pourtant de taille et la plateforme un outil essentiel. L’innovation n’émanant jamais d’une seule personne, participer à des recherches et des travaux communs, formaliser de la connaissance ou dispenser des formations internes conditionnent la performance de l’entreprise, sa capacité à investir de nouveaux territoires et à rester dans la course. Pourquoi ne pas développer la notion de propriété intellectuelle collective afin que les collaborateurs ne se sentent pas dépossédés de leur apport individuel et participent davantage au collectif.

 

La propriété intellectuelle, un élément de droit bien connu

Il existe en France un corpus légal protégeant plutôt efficacement les droits d’auteur. Ces derniers protègent toutes les formes originales dans le monde industriel et dans l’univers du design. En bref, le code de propriété intellectuelle impose à l’employeur d’acquérir les droits, au fil des créations et au moyen de contrats de cession signés avec les salariés.

 

En ce qui concerne l’innovation émanant d’un collectif professionnel, l’œuvre collective telle que définie à l’article L113-2 du Code de la propriété intellectuelle est considérée comme la propriété de la personne physique ou morale sous le nom de laquelle elle est divulguée.

 

En 2012, la cour d’appel de Paris s’est prononcée sur la notion d’œuvre collective dans un litige opposant le joailler Van Cleef & Arpels à un salarié ayant longtemps occupé la fonction de dessinateur au sein de la société. Le salarié n’a pas obtenu gain de cause, la Cour d’appel ayant admis que son travail s’inscrivait dans un cadre contraignant qui l’obligeait à se conformer aux instructions esthétiques de ses supérieurs hiérarchiques, et à puiser son inspiration dans le fonds d’archives de la maison.

 

Cette décision, portant aussi sur des créations émanant de salariés, devrait permettre aux employeurs de recourir plus facilement à la notion d’œuvre collective. Ils s’épargneront ainsi les contraintes liées à la conclusion de contrats de cession de droits pour les œuvres créées.

 

Favoriser l’innovation collective, un vrai challenge

Si une telle décision est de nature à rassurer certaines entreprises, elle renforce les résistances des collaborateurs à prendre part au développement collectif du capital de connaissance, de savoir-faire et d’innovation de l’entreprise.

 

De fait, pourquoi un salarié aurait-il envie de partager ses connaissances sur un intranet ou une plateforme de l’entreprise plutôt que de le faire en son nom sur un blog personnel, ce qui valorisera davantage son profil professionnel et son expertise ? Pourquoi donner à des collègues le fruit de sa réflexion, de son talent, de son esprit d’innovation ? Et, en poussant le raisonnement, pourquoi déposer un brevet au nom de l’entreprise plutôt qu’en son nom propre ?

 

La solution serait de parvenir à reconnaître les contributions individuelles à travers une propriété intellectuelle collective. Au-delà de l’aspect purement juridique, la propriété intellectuelle ne pourrait-elle être une partie de chacun de nous ? Reconnaître l’apport personnel de chacun par un système de royalties peut faire bouger les lignes, mais il n’y a pas que les gratifications financières. Certaines entreprises distribuent des badges ou certificats distinguant les contributions importantes. Ces « trophées » sont en général disposés bien en vue dans leur bureau par les lauréats. Cela prouve à quel point la reconnaissance est une composante incontournable d’un management de l’innovation performant. Mais de nouvelles solutions plus convaincantes se dessinent…

 

La blockchain, source d’inspiration pour les ressources humaines

Créée en 2008, la technologie blockchain (enchaînement de blocs, unités dans une chaîne de valeur) s’est fait connaître au travers de sa première application : la monnaie électronique Bitcoin. La technologie blockchain permet de stocker et de transmettre des données numériques pour un coût minime, de manière décentralisée et sécurisée. Innovante, le blockchain permet un mode d’échange virtuel fonctionnant sans dispositif central de contrôle, grâce à un système cryptographique de validation et d’authentification des utilisateurs tout au long de la chaîne de valeur.

 

Si le blockchain est en train de révolutionner le monde informatique, elle commence à intéresser les banques et d’autres domaines, comme les ressources humaines. Actuellement expérimentées aux États-Unis, les premières plateformes RH de type blockchain permettent des modes de fonctionnement collaboratif inédits.

 

Le principe du dispositif est relativement simple : tout collaborateur peut choisir de participer à un projet via un système en blockchain dès lors qu’il participe à la création de valeur. La capacité apportée par le blockchain à tracer de façon transparente les contributions individuelles de chacun constitue son atout majeur, le salarié étant rétribué proportionnellement à la valeur qu’il a créée. Moteur d’engagement pour les collaborateurs, le système porte un nouveau coup au fonctionnement hiérarchique pyramidal traditionnel, puisque le blockchain :

 

  • donne plus de pouvoir de décision aux profils créatifs de l’organisation
  • confère aux décisions, qui se prennent généralement par consensus, un caractère plus démocratique
  • développe la capacité d’auto-organisation des salariés

En outre, le blockchain RH n’en est qu’à son galop d’essai. Ce modèle peut parfaitement demain prévaloir dans le domaine du knowledge management dans de nombreux secteurs. Être en mesure de tracer comment certains auront contribué à de l’innovation ou à de la formalisation de connaissance, aura certainement des impacts forts sur le travail, l’emploi et l’économie et, par jeu de bandes, sur notre société.

 

Nous évoluons de plus en plus dans une société de partage, en termes d’usages privés (réseaux sociaux) comme de comportements de consommation (ubérisation). L’économie du partage qui se développe, sous-tendue par une approche très libertaire de la circulation des connaissances, impose de reconsidérer les modes de travail et d’organisation. Dans ce contexte, le blockchain apparaît comme un moyen performant pour rééquilibrer, pondérer les fonctionnements collaboratifs en récompensant les contributeurs, et en s’assurant qu’aucun d’eux ne se sente lésé. L’idée semble donc promise à un bel avenir si l’on veut bien considérer que le succès, en entreprise comme ailleurs, a toujours plus de saveur quand il est… partagé.

 

ENRÔLEZ-VOUS DANS LA RHVOLUTION

 

Pour aller plus loin :