Les nouveaux usages de l’IA dans les cabinets d’expertise-comptable

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Déjà largement à l’œuvre dans les cabinets d’expertise-comptable pour la saisie, l’automatisation s’appuie sur l’intelligence artificielle et sa capacité à monter en compétences. Mais les possibilités de l’IA ne s’arrêtent pas là. La technologie ouvre de nouvelles perspectives pour gagner en performance, et les opportunités sont réelles.

Ecritures bancaires, factures clients-fournisseurs : un grand nombre de cabinets d’expertise-comptable ont d’ores et déjà automatisé tout ou partie de la tenue. Pour les affecter correctement, des solutions comme Cegid Loop ou Cegid Conciliator utilisent un moteur d’intelligence artificielle, avec des résultats qui s’améliorent au rythme de l’apprentissage du robot – le fameux « machine learning ».

1. L’IA, de plus en plus intelligente

Les gains sont immédiats : l’automatisation fait gagner du temps sur les missions comptables de base. Stéphane Raynaud, expert-comptable et commissaire aux comptes, directeur de La Profession comptable et consultant au sein du cabinet BBA, estime le gain entre 12 et 18 % en moyenne¹. Ainsi, plus de la moitié des cabinets d’expertise comptable ont déjà automatisé la saisie des données comptables, la collecte des pièces financières et des données fiscales, selon une étude d’OpinionWay². Et même près de 100 % pour les cabinets de plus de cinquante collaborateurs.

Mais, avec l’intelligence artificielle, c’est-à-dire la capacité à exécuter certaines tâches précises de manière autonome, il est désormais possible d’aller plus loin. Beaucoup plus loin ! Car l’IA devient de plus en plus « forte » et intelligente.

Elle bénéficie d’une conjonction d’avancées technologiques : les capacités de stockage, le traitement à faible coût, le Big Data.

Aujourd’hui, on parle d’intelligence artificielle générative, qui permet de produire des nouveaux contenus en utilisant l’apprentissage automatique, et dont les applications les plus connues sont ChatGPT (Generative Pre-Trained Transformer) et Bard (de Google). « L’IA générative permet d’ingérer des données, de traiter rapidement des informations, de proposer une approche probabiliste et d’optimiser, mais elle nécessite la supervision de l’humain pour fonctionner », résume Stéphane Distinguin, fondateur du cabinet EY Fabernovel, dans une étude sur ce sujet parue en octobre 2023³. Avec une puissance qui explose : ainsi, ChatGPT4 gère 100 000 milliards de paramètres, contre « seulement » 175 milliards pour ChatGPT3, et 1,5 milliard pour la version précédente.

2. Vers une IA à 360° pour les experts-comptables

Quelles sont les activités des cabinets d’expertise comptable qui sont concernées par l’IA ?

La tenue de comptabilité,
La révision des comptes,
La gestion de la paie,
L’accompagnement juridique et fiscal,
L’audit et le commissariat,
L’élaboration des tableaux de bord…

L’IA générative peut étendre nos capacités pour optimiser notre travail : prendre en charge les tâches répétitives et chronophages et explorer de nouvelles tâches qu’il était difficile de réaliser sans changer l’espace-temps et les ressources. Par exemple pour la prise de notes, la synthèse d’information, la formalisation de documents, la recherche documentaire et l’accès à l’information.

Stéphane Distinguin, fondateur du cabinet EY Fabernovel

Des perspectives qui séduisent les cabinets d’expertise comptable, dont près d’un quart utilisent déjà l’IA sous une forme ou sous une autre⁴.

3. L’IA pour aller au-delà de l’automatisation dans les cabinets

Comment les cabinets d’expertise comptable peuvent mieux capitaliser sur l’IA pour être encore plus performants, plus proches de leurs clients, et franchir une étape décisive au-delà de la simple automatisation des processus ?

Les usages de l’IA en cabinets d’expertise comptable :

Créer des chatbots pour interagir avec les clients (par exemple pour gérer toutes les questions concernant la paie ou la production des liasses comptables…). Cela permet de décharger les collaborateurs des questions récurrentes. Il existe des applications simples pour créer de tels outils (par exemple botmation.ai).
Rédiger des documents juridiques/administratifs (par exemple des lettres de relances) et élaborer automatiquement des synthèses. De puissantes bases de données comme Lexis-Nexis apportent les garanties nécessaires à la juste rédaction des documents, et des applications (comme gamma.app par exemple) offrent la génération automatique de présentations PowerPoint en une minute et demie !
Faciliter les synthèses : La dernière version de ChatGPT peut analyser, nettoyer, et visualiser d’immenses volumes de données. Par exemple, elle peut nettoyer un fichier Excel et proposer des visualisations pour mieux en faire comprendre les données. On peut aussi lui fournir un document et lui demander d’en créer un nouveau sur ce modèle, etc.
Réaliser facilement des analyses, par exemple une cartographie des clients, selon les formes juridiques, le secteur d’activité, la nature des missions (révision ou tenue comptable). « En créant des profils types de vos clients, vous proposerez à chacun des solutions adaptées », suggère Eric Matton, adjoint au directeur des études numériques de l’ordre des experts-comptables⁵.
Gagner du temps et de la productivité. L’IA est déjà intégrée dans de nombreuses applications de travail. Par exemple, Microsoft embarque dans Word, Excel, PowerPoint, Outlook, Teams et OneNote, son module Copilot, un nouvel agent conversationnel capable de manipuler des fichiers et de créer du contenu. Autre exemple : Zoom fournit une transcription en temps réel des réunions, générant du texte à partir de l’audio et des comptes-rendus automatiques. Et peut rédiger des messages et des réponses basés sur les données utilisateur, suggérer des tâches en fonction des discussions lors des réunions. Ou encore, une application comme Notion (notion.so) intègre, depuis novembre 2022, une fonctionnalité conversationnelle qui permet de rédiger de nouveaux contenus, résumer de longs documents et extraire des enseignements clés à partir de notes désordonnées.
Utiliser les données pour passer au prédictif. L’IA peut être utilisée pour analyser les données financières passées, et prévoir les tendances futures. Cela aidera les experts-comptables « data-driven » à mieux conseiller leurs clients en matière de planification financière, de gestion de trésorerie et de gestion des risques.
Améliorer la détection de fraudes. Les algorithmes de détection d’anomalies et d’incohérences permettent d’identifier des schémas suspects ou des anomalies dans les données financières, ce qui peut aider à détecter plus rapidement les fraudes ou les erreurs.

Une étude menée par des chercheurs du MIT⁶ a montré que l’utilisation de ChatGPT améliore la qualité des écrits des collaborateurs et réduit le temps consacré à cette tâche. Ils ont comparé deux groupes de 222 personnes chacun effectuant le même travail d’écriture l’un avec un traitement de texte et l’autre avec ChatGPT. L’étude a révélé que ceux qui ont utilisé ChatGPT ont réduit de près de la moitié le temps nécessaire à l’exécution des tâches et que la qualité du travail s’est également améliorée.

4. Le prérequis à l’usage de l’IA en cabinet

Oui, l’IA ouvre de nombreuses perspectives et opportunités aux experts-comptables. Cependant il convient d’être conscient de ses limites et d’intégrer deux prérequis pour bien cadrer ses usages :

D’une part, comme le rappelle Christophe Legrenzi, PDG du cabinet de conseil Acadys et qui anime régulièrement un séminaire sur l’IA et ses applications en entreprise⁷, « il n’y a pas d’intelligence artificielle sans données de qualité ».
D’autre part, nul ne doit oublier qu’utiliser des applications basées sur l’IA peut faire courir des risques sur la confidentialité.

Si ces limites sont bien intégrées, rien ne s’oppose à considérer l’IA comme une véritable révolution pour l’expertise-comptable, qui fera probablement passer, à terme, la dématérialisation et l’automatisation du traitement de factures que l’on connaît aujourd’hui comme des symboles de l’âge de pierre technologique…