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La législation démocratise la digitalisation des entreprises

12 juillet 2018

4 min
La dématérialisation remonte à quelques décennies. En 2000, une première réglementation couplée à une volonté de moderniser l'administration accordait une valeur légale aux documents numériques. Si l'adoption est longtemps restée poussive, depuis deux ou trois années, un nouvel arsenal réglementaire facilite réellement cette adoption.

Dès les années 70, la plupart des grandes entreprises avaient mis en place des outils de dématérialisation pour optimiser leurs processus métiers. Il s’agissait notamment de passerelles d’Echanges de Données Informatisé (EDI) visant à remplacer les envois de documents, la plupart du temps des factures, bons de commande… entre deux entreprises, souvent un industriel et ses fournisseurs. L’EDI remplaçait tous les échanges liés à la facturation entre ces deux organisations. Mais sur le terrain, elle se limitait dans la plupart des cas, aux grands comptes et à leurs plus grands fournisseurs.

Une absence de généralisation liée à deux facteurs. Jusqu’à la banalisation récente du cloud, le coût des technologies EDI freinait leur accès par des entreprises relativement importantes. Mais surtout, avant 2000, l’absence de reconnaissance du support numérique comme pièce à valeur probante imposait aux entreprises de continuer à produire, et à archiver le cas échéant, les documents sous forme papier, comme par exemple une facture, pendant une durée de 10 années (code du commerce).

Très générale, la première législation (13 mars 2000) sur le sujet précisait : « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ». Pas déclinée pour des documents en particulier ni pour des métiers, ne décrivant pas explicitement les moyens de remplacer la signature manuelle par un équivalent numérique, cette première législation a eu peu d’impact pendant… les 10 ou 12 années suivantes. Pour (re)lancer le mouvement, plusieurs législations, plus « opérationnelles » ont suivi.

Marchés publics, factures, bulletins de paye…

Parmi celles-ci, le législateur a obligé le secteur public à accepter les réponses aux marchés sous format numérique. La première législation remonte à 2004, et a été accompagnée par tout un train de mesures pour obliger les deux parties, public et privé, à passer par le numérique. Elle a également reçu le soutien de l’administration qui a vulgarisé ces nouvelles pratiques.

En 2010, le Ministère de l’Economie publiait sur son site Internet la première version d’un guide pratique sur la dématérialisation des marchés publics. Plus récemment, la facture fournisseur a fait l’objet de mesures rendant le support numérique obligatoire pour tous les fournisseurs du secteur public, soit environ un million d’entreprises selon l’AIFE*.

L’obligation se décline dans le temps en fonction de la taille de l’entreprise. En 2020, toutes les entreprises auront l’obligation d’envoyer des factures numériques aux entités du secteur public. Les ressources humaines sont également concernées avec le bulletin de paye. La législation a même décliné cette virtualisation sur d’autres domaines comme la fiche de paye. Jusqu’à la république numérique de Macron, qui vise à basculer sur une administration 100% digitale.

* AIFE : Agence informatique financière de l’Etat

Le cadre normatif apporte plus de sécurité juridique. Outre le cadre législatif le référentiel de norme a été étoffé et apporte plus de sécurité juridique. Ainsi la certification NF 203 CCFN permet d’attester le respect de la norme Z42-020 définissant les attentes fonctionnelles d’un composant coffre-fort numérique. La valeur probante d’un document déposé dans un coffre-fort électronique disposant de cette attestation sera ainsi difficilement contestable.

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eContrat

Cette généralisation commence à porter ses fruits. Des secteurs d’activité initient ou ont déjà mis massivement en place des processus totalement digitaux, et ce, en incluant l’étape de signature numérique. Des acteurs spécialisés proposent des solutions en mode SaaS de contrôle d’identité et signature de contrat. Intégrées dans des applications mobiles, ces dernières autorisent par exemple des commerciaux à faire signer des contrats d’assurance-vie sans passer par le papier.

Eidas, une signature à l’échelle européenne applicable en juillet 2016, un règlement européen a étendu le périmètre du numérique dans tous les pays de la communauté (pour rappel, un règlement s’applique sans nécessiter de passer par une traduction dans les législations nationales). Celui-ci stipule qu’il est possible de produire une signature numérique dans le cadre d’un litige indépendamment du pays où elle a été produite. En d’autres mots, un contrat signé numériquement par un prestataire français peut être produit devant un tribunal autrichien, dans le cadre d’un litige commercial.

Des freins à lever

Si la législation soutient ce mouvement et si les gains liés à la dématérialisation se déclinent sur plusieurs points bien connus, économies de papier et de frais postaux notamment, quelques freins perdurent. Côté technique, elle suppose l’installation de briques technologiques. Une étape qui suppose une intégration technique avec les systèmes d’information et qui présente peu de difficultés du fait de la maturité des produits. A contrario, souvent moins bien perçu, l’impact le plus important porte sans conteste sur l’organisation du travail. Côté public comme privé, ces évolutions remettent en cause les habitudes, les usages, les types d’échanges entre acteurs économiques ou encore les processus de validation. Les pages suivantes détailleront ces impacts.