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Finance & Fiscalité

IFRS 16: une nouvelle donne pour les contrats de location

6 juin 2018

6 min
La nouvelle norme IFRS 16, applicable au 1er janvier 2019, modifie considérablement le traitement comptable des contrats de location. Ceux-ci sont désormais portés au bilan des preneurs, donnant ainsi une meilleure visibilité de leurs actifs et de leurs passifs et facilitant la comparaison entre les sociétés qui utilisent la location et celles qui choisissent la pleine propriété via emprunt. Décryptage de cette réforme aux nombreux impacts avec Etienne Henry, associé chez PwC et ancien président de l’Ordre des Experts-Comptables d’Alsace.

La norme IFRS 16 concerne toutes les sociétés ou groupes de sociétés qui établissent leurs comptes en normes IFRS. Elle vise tous les contrats de location dont la durée est supérieure à un an et supérieurs à 5,000 euros. Ces contrats peuvent ne pas exister formellement, mais constituer une composante d’un contrat plus global.

Exemple : une usine passe un contrat de fourniture de vapeur ou d’air comprimé avec un fournisseur qui va installer à demeure une centrale ou un compresseur dédiés. On isolera dans le prix de la prestation ce qui correspond au loyer de la centrale ou du compresseur, et on appliquera IFRS 16 en activant la valeur actuelle des loyers futurs et en inscrivant au passif l’engagement correspondant.

Inversement, quelques rares contrats de location se situeront hors du périmètre de IFRS 16, même s’ils sont significatifs.

Exemple : une société de restauration conclut un contrat avec un opérateur d’aéroport pour obtenir une surface de vente pendant une durée de plusieurs années. Si, dans le contrat, la surface en question peut être localisée à n’importe quel endroit de la zone d’embarquement et que l’opérateur peut modifier l’emplacement à tout moment, à moindre coût, alors le contrat est réputé ne pas comprendre de contrat de location.

Révolution copernicienne ?

De l’avis d’Etienne Henry, associé chez PwC et président de l’Ordre des Experts-Comptables d’Alsace jusqu’à fin 2016, il y aura bien davantage de contrats de location identifiés au sein de contrats plus larges, que de contrats de location dénommés comme tels qui échapperaient à IFRS 16. « La bonne nouvelle, c’est qu’on arrête de jouer au chat et à la souris entre les contrats de location-financement, qu’on était obligés de retraiter au
bilan selon IAS 17, et les contrats de location opérationnelle, qui apparaissaient uniquement au compte de résultat, sous forme de loyers. Les critères étaient tels que certains opérateurs acceptaient de payer nettement plus cher pour avoir un contrat opérationnel, et donc déconsolidant, et ménager ainsi leurs ratios. Plus cher, car pour justifier d’une location opérationnelle il faut que le bailleur supporte un risque de vacance et de non-utilisation de son bien, tous risques qui se retrouvaient forcément inclus dans le loyer… »

Au bilan : augmentation de l’actif immobilisé et du passif à long terme, à raison de l’activation des loyers actualisés avec dette correspondante en face. Rappelons que ce qu’on porte à l’actif n’est pas la valeur du bien qu’on loue, mais la valeur actualisée des loyers futurs sur la période prévisible du bail ! En matière d’analyse financière, la conséquence est l’augmentation des ratios d’endettement sur capitaux propres et autres covenants associés.

Au compte de résultat : c’est l’inverse : alors que les loyers étaient des charges d’exploitation pesant sur l’EBE/EBITDA, on leur substitue des dotations aux amortissements et des frais financiers, tous deux situés en-dessous de l’EBIDTA/EBE.

Parmi les secteurs d’activité les plus impactés figurent notamment la distribution, le transport aérien, la santé, etc. Deux phénomènes se conjuguent : l’immobilier et l’industriel. Quand on a besoin de mètres carrés pour son activité, l’impact est forcément important. Il l’est aussi pour les activités industrielles, à cause des contrats de financement ou des contrats hybrides incluant une composante locative.

Un enjeu documentaire et un défi pour le SI

Etienne Henry précise : « De manière générale, il y a un enjeu documentaire considérable. Certains clients me disent qu’entre le nombre de contrats envisagés dans l’analyse préliminaire et les contrats effectivement recensés, il y a un facteur 2 ou 3 … sinon 10 ! ». C’est un cas vécu par un groupe multinational chimique européen, qui décompte ainsi plus de 10 000 contrats à ce jour – dont des fournitures de gaz industriel qui impliquent la location d’équipements.

La gestion des contrats suppose un recensement initial, forcément long et potentiellement coûteux, qui peut présenter des difficultés dues à la langue utilisée et aussi aux particularités juridiques des différents pays (bail 3-6-9 chez nous, lease-hold au Royaume-Uni, etc.). Après cette phase, il faudra continuer à faire vivre le recensement, en temps réel si possible.

Autant de nouveaux défis en termes de systèmes d’information ! Pour faciliter la tâche des services financiers, on gagnera à intégrer les retraitements dans ses solutions de consolidation, en utilisant des assistants didactiques étape par étape. Autre solution : utiliser un module spécialisé, en mode autonome. On tirera également avantage à utiliser un outil de stockage en SaaS pour conserver et retrouver instantanément les contrats de location associés.

Les étapes-clés pour se préparer à l’entrée en vigueur d’IFRS 16

Face à un sujet qu’il ne faut surtout pas prendre à la légère, il convient de lancer rapidement un recensement complet – l’idéal étant de passer au crible tous les comptes de « Loyers » figurant dans le compte de résultat, et remonter aux contrats. Il faut aussi s’attaquer à tous les contrats de prestation de services, voire de fournitures, qui peuvent dissimuler un composant « contrat de location ». On peut imaginer une grille d’analyse standard, à utiliser au sein de toutes les entités du groupe.

Le recensement est à intégrer dans un système d’information, tant pour sa première occurrence que pour les mises à jour ultérieures. Ce système doit produire, selon les paramétrages saisis au recensement du contrat (valeur de l’actif, du passif, rythme d’amortissement et de règlement des loyers, taux d’intérêt implicite, etc.), les écritures de retraitement nécessaires.

Concernant la communication financière, même si les analystes avaient déjà l’habitude de retraiter eux-mêmes les locations pour intégrer ces engagements au bilan, il faut bien sûr prendre les devants, et informer le public sur le reclassement en cours. Les entreprises cotées auront intérêt à se rapprocher des analystes financiers pour faire converger les pratiques de ces derniers avec celles qu’elles sont en train de mettre en place, afin d’éviter toute déception ou décalage dans la perception de l’impact.

Peut-on y échapper ?

IFRS 16 remet en question des pratiques bien installées, tout particulièrement chez les loueurs – par exemple d’automobiles, de véhicules utilitaires ou d’engins de chantier. Une solution pour éviter le séisme pourrait être recherchée dans l’échappatoire « moins d’un an », reprise des dispositions d’IAS 17. Elle consisterait à proposer des contrats d’un an avec renouvellement par un autre véhicule avec un autre contrat, pas forcément neuf, équivalent, à l’initiative du loueur – car si le bailleur a la faculté de substituer un actif par un autre équivalent, il n’y a pas alors d’actif associé… et donc pas de contrat de location !

Demeure un « léger » problème : louer des véhicules neufs pour douze mois n’est pas rentable – impossible d’amortir la décote lors de la vente du véhicule d’occasion. Le loueur serait donc condamné à faire tourner son parc au sein de ses différents clients…

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