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FAQ spécial DRH : état d’urgence sanitaire et télétravail

12 juin 2020

10 min
L’application de la loi d’urgence sanitaire et sa prolongation jusqu’au 10 juillet suscitent de multiples interrogations. Le coronavirus peut-il être un motif de licenciement ? Les promesses d’embauche peuvent-elles être rompues en cette période de crise sans précédent ? Quand prendront fin les mesures provisoires ? Quels sont les secteurs essentiels à la nation ? Les modalités de mise en place du télétravail ont-elles évolué ? Faisons le point avec Isabelle Van Cauwenberge, responsable juridique CEGID- HCM France pour la veille légale et conventionnelle en paie et RH .

1. Dès le 12 mars 2020, le président Emmanuel Macron a invité les entreprises qui le pouvaient à recourir au télétravail. Dans un cas d’extrême urgence, l’employeur peut-il se passer d’un accord collectif ou d’une charte validée par le Comité social et économique ?

La possibilité ou non d’organiser du télétravail a été mise en avant par le Président de la République comme une mesure laissée à l’appréciation de l’employeur. Mais les salariés doivent être placés en télétravail, donc être éloignés des locaux habituels d’activité professionnelle autant que possible.

A cette fin, l’article 1222-11 du Code du travail énonce qu’en cas de circonstance exceptionnelle, notamment de menace d’épidémie, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail nécessaire pour permettre :

  • la protection des salariés ;
  • la continuité de l’activité de l’entreprise.

Et ce, sans l’accord des collaborateurs.

Pour autant, l’employeur a tout de même des obligations vis-à-vis de ses salariés. Par tous les moyens, à l’oral comme par écrit, il doit rappeler les consignes d’hygiène, de sécurité et de santé. Cela passe par la diffusion de consignes ou le partage de bonnes pratiques pour éviter, entre autres, le développement de troubles musculosquelettiques ou encore l’hyper-connexion au travail. S’il existe une charte ou un accord collectif, celui-ci doit continuer de servir de guide durant la période de confinement.

L’essor du télétravail en période d’urgence sanitaire

En ce temps d’état d’urgence sanitaire, le télétravail connaît un essor sans précédent.

Qu’il se soit ainsi généralisé à tous les postes de travail compatibles en France, avec ou sans l’accord du salarié entraîne une autre gestion des relations sociales individuelles et collectives. C’est l’occasion pour l’entreprise en général et la fonction RH en particulier de se montrer sous un visage nouveau. Ils peuvent dévoiler leurs capacités à gérer à distance des situations difficiles avec les salariés : les baisses de moral, les soucis liés à la perte de revenus (en partie ou en totalité) d’une autre personne du foyer, l’inquiétude sur l’avenir de l’entreprise… A cause de l’éloignement géographique et d’une confrontation quotidienne avec une situation inhabituelle, le salarié isolé peut manifester le besoin d’être davantage en relation avec les dirigeants de l’entreprise et il est alors bienvenu de renforcer la communication RH, pour resserrer les liens et fidéliser les salariés en entreprise.

Il y a également le cas des télétravailleurs avec enfants sans solution d’accueil pour qui le cumul des responsabilités est parfois épuisant. C’est le moment opportun pour chaque manager de parler à la fois du droit à la déconnexion mais aussi d’expliquer les fonctionnalités très riches des applications dites SaaS qui permettent un accomplissement et un monitoring au quotidien de l’activité professionnelle, afin de rester objectif. Il faut également mettre à la disposition des télétravailleurs toutes les possibilités d’assistance « technique » ou « métier » dont ils ont besoin pour perdre le moins possible en productivité. En conséquence, si un manager de référence se révèle indispensable, la DSI comme la DRH doivent également rester joignables afin de répondre aux questions des collaborateurs par recours à internet notamment.

2. En cette période de crise sanitaire, y a-t-il un risque que les collaborateurs aient recours massivement au droit de retrait ?

La formulation de cette prérogative laissée au salarié en droit du travail reste assez floue et donc subjective. « Le travailleur alerte immédiatement l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie, sa santé ou sa sécurité ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation. » Ces termes appellent une interprétation au cas par cas.

En ce temps de lutte contre le coronavirus, entre les pro-droit de retrait et ses opposants, le ministère du Travail choisit une troisième voie : celle des alternatives. Ainsi, les arrêts de travail dits dérogatoires (pour personnes vulnérables, cohabitant avec une personne vulnérable par exemple), la pratique renforcée du télétravail, l’élargissement du dispositif d’activité partielle… constituent un éventail juridique suffisamment large pour que les salariés trouvent le dispositif d’éloignement de leur lieu de travail qui convient le mieux à leur besoin légitime de protection, moyennant ou non l’intervention de leur employeur.

Parallèlement, l’employeur est encouragé par des fiches métiers éditées par le Ministère du Travail par un financement supplémentaire pour certaines entreprises (subvention « prévention Covid » des Carsat), à mettre en place des mesures de protection physique contre la propagation du coronavirus.

3. Le gouvernement appelle les entreprises à ne pas licencier durant la crise, mais la loi d’urgence sanitaire ne l’interdit pas. La pandémie peut-elle être un motif de rupture du contrat de travail ?

L’une des grandes inquiétudes est que le choc soit si fort que des vagues de ruptures ou de fins de contrats surgissent pendant cette période d’état d’urgence ou au terme du dispositif exceptionnel d’activité partielle qui a débuté le 1er mars 2020. L’encadrement juridique du licenciement comme des ruptures anticipées de CDD ou d’intérim n’a pas été modifié. En effet, il n’y a aucun assouplissement de ces conditions juridiques imposées à l’employeur pour mettre fin à un contrat ou ne pas le renouveler. De même, le salarié qui, le cas échéant, souhaiterait poursuivre en justice son ancien employeur s’il considère que son licenciement n’est pas fondé conserve toutes possibilités de le faire. La pandémie n’est pas, en soi, un motif en soi de licenciement ou de rupture anticipée des contrats de durée déterminée.

Les suspensions des contrats de travail ont été facilitées pour justement éviter les ruptures. Toutes les nouvelles catégories d’arrêt de travail – pour les salariés vulnérables, exposés, mis en quarantaine, devant prendre soin d’enfants confinés… qu’ils aient donné lieu au versement d’indemnités journalières de sécurité sociale ou surtout , depuis le 1er mai, d’allocations publiques d’activité partielle– devraient permettre à l’employeur de supporter le ralentissement ou la suspension de leur production ou de leurs prestations, jusqu’à la reprise d’activité et aux salariés de retrouver leur poste de travail.

4. Et qu’en est-il des promesses d’embauche ?

A partir du moment où l’employeur a fixé des modalités d’embauche précises (titre du poste, date de début de contrat…) dans un écrit adressé au salarié par email ou par courrier, l’obligation pour l’employeur de placer ses salariés en télétravail ou de recourir au dispositif d’activité partielle ne fait pas obstacle à l’exécution de la promesse d’embauche. Il n’est pas impossible d’accueillir un nouveau collaborateur en télétravail ou de prendre contact avec lui pour discuter de son parcours d’intégration même si l’entreprise est en activité partielle. Cela demande certes de l’agilité, mais aucune des parties n’est juridiquement dispensée de la promesse d’embauche faite et acceptée.

Concernant les périodes d’essai, une réduction d’activité ou la mise en place du télétravail à temps plein ne sont en aucun cas des motifs de rupture du contrat de travail…

Le schéma reste inchangé, avant comme pendant la crise sanitaire :

  • soit le collaborateur peut exercer les fonctions pour lesquelles il vient d’être embauché et ce qu’il démontre de ses capacités professionnelles convainc l’employeur que le contrat de travail peut se pérenniser et dans ce cas la période d’essai se poursuit ;
  • soit le collaborateur ne réussit pas, par ses premières prestations de travail à convaincre l’employeur que ses capacités réelles sont à la hauteur de ce que laissait espérer le CV de ce nouvel embauché et la période d’essai est alors rompue, moyennant le cas échéant un délai de prévenance.

Dans le cas où il n’y a pas d’activité (arrêt dérogatoire, fermeture de l’entreprise avec activité partielle), l’employeur est dans l’incapacité de juger le travail du collaborateur. La période d’essai est alors simplement suspendue et non pas rompue de ce fait.

5. A quelle date les mesures exceptionnelles de la loi d’urgence sanitaire prennent-elles fin ?

De nombreuses dispositions comportent un alinéa précisant que telle ou telle mesure est en vigueur jusqu’à une date qui sera fixée par décret, au plus tard le 31 décembre 2020. Tout porte à croire que certaines autres mesures seront pérennes. C’est le cas de la modification du bulletin de paie des salariés en activité partielle. En effet, auparavant, trois mentions obligatoires devaient apparaître soit sur le bulletin de paie, soit sur un document à part. Elles doivent désormais être inscrites uniquement sur la fiche de paie.

Afin de s’adapter à cette nouvelle législation, les entreprises disposent d’un délai de 12 mois, soit jusqu’au 26 mars 2021, pour se mettre en conformité. Si la période d’adaptation est si longue, c’est bien que la mesure n’aura probablement pas disparu après l’épidémie.

Les textes ayant provisoirement amélioré le régime d’indemnisation des arrêts de travail doivent susciter la vigilance. Ils ont tous eu des dates d’entrée en vigueur et des durées d’application différentes selon qu’il s’agisse du versement des IJSS ou encore du complément de rémunération à la charge de l’employeur. Et les arrêts classiques ne sont pas épargnés avec des mesures particulières de suppression des délais de carence, mais aussi suppression des conditions préalables d’ancienneté à satisfaire avant d’avoir droit au complément employeur. Selon les catégories d’arrêts, L’indemnisation des arrêts de travail des personnes vulnérables, cohabitant avec une personne vulnérable ou enfin devant s’occuper d’enfants confinés selon le régime de l’activité partielle, depuis le 1er mai dernier, simplifie cette analyse depuis peu.

6. La durée légale du travail a été assouplie pour les entreprises des secteurs dits essentiels à la nation. Cependant, la liste des secteurs concernés n’a pas encore été publiée. Comment se positionner sans risquer de se mettre en infraction ?

Oui, un décret qui définit la liste complète des secteurs concernés n’est pas connue. Mais un arrêté concernant le transport routier national et international de marchandise a d’ores et déjà été publié. Il offre ainsi des illustrations concrètes de l’élargissement des plages horaires sur lesquelles l’employeur peut s’appuyer. Pour tenter d’expliquer que ces extensions de durée du travail dans le secteur privé n’ont pas été si nombreuses, il convient de rappeler que le Code du travail permet déjà la réalisation d’heures supplémentaires jusqu’à des niveaux importants – sous conditions.

Moyennant des accords collectifs ou des autorisations de l’administration, il est possible de passer à 10 heures de travail par jour et à 48 heures sur une semaine ponctuelle, par exemple. Il serait donc faux de considérer que l’employeur est totalement démuni. Lorsque l’entreprise fait face à un surtravail urgent, facilement vérifiable actuellement, il est fort probable qu’elle obtienne des autorisations de la Direccte, sécurisant ainsi un élargissement des plages de travail. Toutes les administrations ont été mobilisées afin de traiter rapidement les demandes. Il ne faut pas hésiter à les contacter pour faire le point sur les possibilités existantes.

7. Avec toutes ces nouvelles mesures adoptées dans le cadre de la loi d’urgence sanitaire, le risque de commettre des erreurs est bien réel. Les collaborateurs pourront-ils poursuivre l’entreprise à l’issue de la crise ?

Juridiquement, oui car toutes les voies de recours sont restées ouvertes. Ainsi, le conseil des prud’hommes pourra toujours se prononcer sur les réclamations des salariés à l’encontre des mesures individuelles prises par les employeurs lors de cette période exceptionnelle.. Mais au moment de trancher un litige, le conseil des prud’hommes sera également conscient des circonstances exceptionnelles créées par l’état d’urgence sanitaire pour les employeurs. La notion de « circonstances exceptionnelles » a aussi une valeur juridique.

Elle existe dans de nombreux articles du Code du travail pour ouvrir droit à l’employeur de décider de modes d’organisation du travail, car la continuité de la vie de l’entreprise a également une valeur juridique. . La sécurité juridique de l’employeur n’est pas diminuée en période de crise sanitaire. Au contraire, son pouvoir légitime de ré-organiser l’activité de l’entreprise tend à être renforcé du fait de sa responsabilité en matière d’hygiène et de sécurité de ses salariés d’une part et de suspension de certains délais ou d’assouplissement de certaines formalités qui lui étaient opposables en droit du travail d’autre part .

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