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Finance

Dessine-moi le DAF de l’avenir !

29 mai 2018

5 min

Le DAF de demain sera-t-il un robot ? A l’heure du big data, nombreux sont ceux qui prophétisent la disparition inéluctable des directeurs financiers à plus ou moins brève échéance. Evolution tranquille, transformation brutale, point final à la fonction financière telle qu’on la connaît aujourd’hui : où est la vérité ? Pour David Brault, fondateur d’Objectif CASH, le métier a encore de beaux jours devant lui. Tribune.

« Société de management de transition dédiée à la fonction Finance, Objectif CASH existe depuis près de quinze ans, commence David Brault. Nous avons réalisé à ce jour plus de 550 missions dans plus de 40 pays. Nous rencontrons deux Directeurs Financiers, DAF, CFO, VP Finance par jour ; soit à ce jour plus de 7 000 entretiens individuels. 30 000 décideurs ont déjà participé à nos conférences, ateliers thématiques, petits déjeuners. Nous connaissons donc intimement ce marché, ses évolutions, ses humeurs et ses attentes.

Il est exact que les fonctions qui manipulent des chiffres se sentent menacées. Que beaucoup de professionnels stressent. Qu’il existe une littérature anxiogène sur le sujet, notamment sur les réseaux sociaux. Mais le plus souvent, il n’y a rien de concret derrière.

Chronique d’une mort annoncée … et toujours reportée

La mort du métier de DAF ? Nous disions la même chose il y a 15-20 ans quand sont arrivés les ERP ! De même, il y a 5 à 10 ans avec la mise en place des CSP (Centres de services Partagés). Et plus récemment avec la démocratisation des outils de BI (Business Intelligence).

A chaque fois, une partie des comptables ou des contrôleurs de gestion se raidissaient … et puis, et puis … nous avons constaté que la demande du management et des actionnaires en termes de chiffres et d’analyses chiffrées était régénérée ; parfois exponentielle. Loin de supprimer des postes, c’étaient de nouveaux besoins qui apparaissaient.

Les CFO se sont ainsi transformés en Business Partners, et plus récemment en Business maker. Performance Manager est le nouveau nom du contrôleur de gestion. Avec l’apport des nouvelles technologies, on peut intégrer un plus grand nombre de données en amont du processus de décision, y compris des données métier, qui ne sont pas forcément financières, mais ont un impact direct sur les performances et donc les résultats. Beaucoup s’en réjouissent bruyamment et répètent de manière incantatoire ‘data is the new oil!’ – les données sont le nouvel or noir. D’autres pensent, et pas seulement des DAF du siècle dernier : « trop d’information tue l’information ».

Qui dit vrai ? Combien restera-t-il de DAF en 2025 ? En 2050 ? Pour mémoire, en 1997, il y a 20 ans déjà, l’ordinateur Deep Blue battait Gary Kasparov aux échecs. Cela n’a supprimé ni le jeu, ni les joueurs, ni l’intérêt des échecs.

Adaptation, transversalité, alertes et esprit de finesse : allo l’I.A ?

Sans vouloir rassurer à tout force ni faire assaut de démagogie pro-DAF, de quoi pouvons-nous témoigner ?

  1. Les CFO vont s’adapter. Ils l’ont toujours fait. Rien de nouveau sous le soleil !
  2. Le rôle du CFO est de garantir la qualité de la production de chiffres, mais aussi de les analyser et d’aider la direction générale à prendre les bonnes décisions. D’alerter sur les dérives à partir de signaux forts mais aussi de signaux faibles. De faire preuve de courage, d’intégrité et de s’engager sur des prévisionnels. Toutes choses que les robots ne sauront pas faire avant très, très longtemps (si seulement ils savent le faire un jour).
  3. Sa mission est aussi de manager des équipes aux profils de plus en plus diversifiés : comptables, contrôleurs de gestion, contrôleurs budgétaires, contrôleurs usines, administrateurs des ventes, credit managers, trésoriers, managers de transition, consultants divers et variés, etc. Il doit aussi conduire des projets transverses avec l’IT, le département fusions-acquisition, le juridique, les RH, les Ventes, etc. Avec, en toute situation, l’obligation de garder la tête froide…

Chef d’équipe et sélectionneur

Le DAF doit savoir à qui confier chaque tâche. A l’interne ? A l’externe ? Pour quelles raisons ? Il doit anticiper les situations … ne pas se retrouver comme il y a quelques semaines au PSG à ne plus savoir qui doit tirer les penalties, de Neymar ou Cavani. Autrement dit : qui emmener dans la réunion budget ? A qui confier le projet d’intégration d’une nouvelle acquisition ? Qui faire participer à la rencontre avec les auditeurs ou les banquiers ? Toutes choses qu’un robot ne saura jamais faire, à mon humble avis. Ou qu’il fera une fois sur deux en insultant l’avenir, ou en ne tenant pas compte du passé, de la culture de l’entreprise – ce qui revient au même.

Une Direction Financière se construit avec des jeunes et des moins jeunes, des techniciens experts et des généralistes. Il faut trouver les bons équilibres. Cela prend du temps. Chacun doit trouver sa place, et se sentir bien, reconnu, utile. Il faut valoriser chacun, donner du sens à toutes les tâches même les plus humbles, expliquer comment chacun contribue à sa manière à la qualité de l’ensemble et puisse se sentir responsable du tout. Bref, rester humain !

Au-delà des chiffres : culture et bon sens

Dans ma génération, beaucoup ont appris la finance dans des cabinets d’audit anglo-saxons ou des groupes américains. A l’époque, on ne sortait jamais un chiffre sans savoir immédiatement avec qui l’on pourrait en parler. Parfois pour le challenger, le contester, mais aussi souvent pour le savourer. Voire l’optimiser.

Je suis optimiste pour le métier de Directeur Financier. Je le vois évoluer vers plus de connectivité, plus de mobilité, plus de transversalité, etc., mais il a encore de l’avenir – tout autant que les fondamentaux de la Finance – le chiffre d’affaires, l’Ebitda, le cash.

Il y aura aussi toujours besoin d’un membre de l’équipe de Direction pour ne pas s’enflammer, pour encourager certes la prise de risques mais de manière calculée. Et pas à la manière des robots, mais avec du recul et du bon sens : pour moi, les artifices de l’intelligence robotisée ne sont pas prêts à remplacer l’intelligence humaine, individuelle et collective, que mobilise la fonction de DAF. »

Propos recueillis pour le blog de Cegid