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Finance & Fiscalité

Consolidation statutaire et de gestion : où en sont vraiment les entreprises ?

29 mai 2018

7 min

Apparue au début du XXe siècle, la consolidation comptable a considérablement évolué au fil du temps et surtout au cours des dernières années, sous l’influence des NTIC et des évolutions réglementaires et normatives. Où en sont les entreprises françaises ? Quels sont leurs outils, leurs objectifs, leurs capacités d’adaptation aux nouveaux besoins ? Comment appréhendent-elles les vertus et contraintes respectives du reporting et de la consolidation statutaire ?

A ces différentes questions, qui sont au cœur du quotidien comptable et financier des entreprises de toute taille, l’étude réalisée pour CEGID par International Data Corporation (IDC), premier groupe mondial de conseil et d’études sur les marchés des technologies de l’information, apporte des éléments de réponse, son lot de surprises et des enseignements particulièrement éclairants sur la réalité vécue par les entreprises qui consolident et réalisent des reportings.

Consolider, oui mais pourquoi ?

La consolidation sert à se forger une opinion économique et financière sur un groupe de sociétés.

La diversité des activités et des périmètres des sociétés considérées, la disparité des règles comptables appliquées aux comptes individuels, surtout si ces sociétés ont leur lieu d’exercice dans des pays différents (avec le cas échéant différentes devises), ou encore la multiplication des transactions entre ces sociétés elles-mêmes : toutes ces situations suscitent de nombreuses interrogations quant au traitement et à l’interprétation de l’information, voire à son obtention.

  • d’homogénéiser les pratiques comptables des différentes sociétés ;
  • d’éliminer les conséquences des échanges entre des sociétés du groupe (achats ou ventes et autres variables de flux, créances et dettes financières ou commerciales, détentions de titres des sociétés entre elles, etc.) ;
  • de convertir les états financiers des sociétés du groupe non libellés dans la devise utilisée pour la consolidation ;
  • de faire ressortir l’aspect économique des transactions en dehors des exigences purement fiscales de la comptabilité sociale.

La consolidation, c’est une longue évolution

Avant le XXe siècle, la consolidation était une notion à peu près inexistante dans le droit des sociétés et le droit fiscal, même si l’émergence des conglomérats dans le sillage de la Révolution industrielle avait rapidement fait sentir le besoin d’intégrer les données comptables d’un groupe de sociétés.

C’est en 1904 que la question des comptes consolidés fut pour la première fois portée officiellement à l’ordre du jour, lors du congrès international de comptabilité. Les premières publications de comptes consolidés apparaîtront dans les années 1920 aux Etats-Unis, et bien plus tard en Europe : il fallut attendre les années 60 pour que la consolidation se développe véritablement sur le Vieux Continent – Grande-Bretagne en tête.

Pour les sociétés de type holding ayant décidé de s’engager dans cette voie, c’était, sinon l’âge de pierre, du moins celui du crayon et de la gomme. Pas de PC, encore moins de tableurs ni de logiciels spécialisés, tout juste quelques programmes comptables permettant d’empiler les écritures. La carte perforée demeurait le support le plus courant d’introduction de données. Et la meilleure amie du consolidateur s’appelait… la calculette à bande.

Inutile de préciser qu’avec de tels outils, la production de comptes consolidés et des annexes ne pouvait obéir à des contraintes trop exigeantes en termes de normes, de calendriers ou de techniques de traitement.

Il fallut attendre le début des années 80 pour voir apparaître en France les premiers logiciels de consolidation. Une révolution technologique mais aussi culturelle dans la mesure où les obligations d’établissement de comptes consolidés firent prendre conscience de leur pleine dimension à bon nombre de groupes, qui raisonnaient jusque-là société par société.

Statutaire ou de gestion : deux consolidations très différentes

30 ans plus tard, où en sommes-nous ?

Le passage aux normes IFRS n’a pas autant bouleversé le paysage qu’on aurait pu le penser, dans la mesure où elles concernent beaucoup moins la mécanique de consolidation financière proprement dite, que le contenu des comptes statutaires de chaque société du périmètre.

Le vrai changement est venu des évolutions technologiques (logiciels, accès et portabilités internet, cloud computing …), découlant elles-mêmes d’un besoin de production d’informations financières de plus en plus rapide, fiable et transparente.

Cela fait maintenant une vingtaine d’années que la liasse de consolidation traditionnelle a fait place à un accès direct de chaque société au système d’information centralisé, avec des fonctions de consolidation accessibles depuis n’importe quel point d’entrée internet, à tout moment et n’importe où. Ce faisant, la consolidation est devenue un outil de planification stratégique et non plus une simple photographie du passé.

Pour autant, la pratique observée dans les entreprises donne une idée des progrès qui restent à accomplir pour les faire mûrir en matière de consolidation statutaire et de reporting financier.

« La consolidation statutaire est le plus souvent vécue comme une obligation légale, pour la direction générale du groupe et pour … le commissaire aux comptes, ou plutôt pour satisfaire au Code de Commerce, tandis que le reporting consolidé est compris comme un outil de pilotage et de gestion, d’où une fréquence mensuelle », relève Etienne Henry, associé chez PwC et ancien président de l’Ordre des Experts-Comptables d’Alsace.

Avant de relever que l’étude IDC fait apparaître que pour 17 % des répondants, la consolidation statutaire ne sert à rien, n’apporte aucun bénéfice ! « C’est probablement une réaction épidermique, mais enfin, un sur six, c’est quand même beaucoup ! », s’exclame-t-il. 23 % néanmoins y voient un gage de performance du groupe, et 26 % un levier d’optimisation de l’activité et de gestion des risques.

« Ce que j’observe dans la pratique, c’est que ces deux consolidations, statutaire et de gestion, sont souvent divergentes, et non comparables, c’est-à-dire que pour la consolidation de gestion autrement dit le reporting mensuel consolidé, on en reste parfois au compte de résultat uniquement, sans consolider le bilan ; pour cela, il faut éliminer les soldes réciproques et autres marges en stock, ce qui peut s’avérer fastidieux. »

La consolidation de gestion répond bien entendu à la nécessité d’outils de gestion et de pilotage, mais aussi aux besoins de la communication financière et de la recherche de financement, un objectif cité par 62 % des répondants. Précisons toutefois que dans la pratique, il faut que les chiffres soient visés par le commissaire aux comptes, et constituent donc l’équivalent d’une consolidation statutaire – et non une sorte de situation flash consolidée ou agrégée, produite mensuellement sur des bases simplifiées.

La consolidation consiste-t-elle vraiment à exceller sur Excel ?

On voit d’après l’étude IDC que l’outil Excel est étonnamment bien placé : 17 % des professionnels l’utilisent pour la consolidation statutaire, et 28 % pour la consolidation de gestion ! Et ils lui sont extrêmement fidèles : ainsi, 68 % des répondants disent l’utiliser depuis quatre ans ou plus au titre de la consolidation statutaire.

On ne peut que souligner le faible taux d’insatisfaits (insatisfaits de leur logiciel en général et d’Excel en particulier) : 8 % seulement ! « Une proportion écrasante d’entre eux, soit 83 %, n’ont pas prévu de changer, ce qui veut dire en effet qu’ils sont satisfaits de l’existant », note Etienne Henry.

Pour ceux, rares, qui envisagent de changer, c’est évidemment en vue d’accélérer le processus de consolidation et de reporting (53 %) et pour réduire le risque d’erreur (24 %). « Avec Excel on peut faire de grosses boulettes », avertit M. Henry, qui milite pour un logiciel de consolidation « unique » faisant le statutaire et le reporting de gestion, éliminant ainsi le risque de divergence.

La consolidation de gestion, un besoin stratégique pour les entreprises !

A chaque taille de groupe, son outil ? A chaque groupe, ses pratiques, son histoire, sa culture ? Sans doute. L’étude IDC valide cette impression « intuitive ».

Si les motivations de la consolidation ont changé, si l’idée que se font les professionnels de la consolidation évolue, il n’en reste pas moins que les pratiques comptables et l’outillage peinent parfois à suivre le mouvement. L’agilité et la réactivité nécessaires doivent composer avec certains comportements qu’on pourrait qualifier de conservateurs ou « au fil de l’eau », en contraste avec les impératifs d’une information disponible à tout moment.

Ne perdons pas de vue cependant que les consolidateurs n’ont pas forcément toute latitude pour s’équiper au gré de leurs attentes. « Lorsqu’on est dans une filiale, on n’a pas la main pour choisir un logiciel, puisque c’est la tête de groupe qui donne le ton et impose l’outil », tempère Etienne Henry. Mais nul doute que des changements marquants sont en vue et que l’horizon des consolidateurs n’est pas figé !

Etienne Henry, Associé chez PwC