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Commissaires aux comptes : de la mission imposée à la mission désirée

20 septembre 2019

6 min
Avec le relèvement des seuils de nomination fixé par la loi Pacte, les commissaires aux comptes se retrouvent face à un défi : trouver les clés de la conquête de nouveaux marchés dans la relation avec leurs clients. Un enjeu qui était au cœur de l’évènement organisé cet été par la Compagnie régionale des commissaires aux comptes de Paris.

Pour beaucoup de PME, l’obligation de mandater un commissaire aux comptes était d’abord synonyme d’un chèque moyen annuel de 5,500 €1, et d’un engagement ferme de 6 ans. Pourquoi le cacher : ce formalisme supplémentaire n’était pas toujours apprécié par les chefs d’entreprise, surtout quand le seuil n’était pas dépassé de beaucoup ! Certains CAC faisaient déjà de leur mieux pour donner un sens plus avantageux à leur mission – et à leurs honoraires : ils insistaient ainsi sur la nécessité d’un process de sauvegarde informatique plus solide, ou réalisaient une étude des assurances contractées, par exemple.

Ces professionnels étaient précurseurs. Car la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, a été publiée au Journal officiel le 23 mai 2019. Et son premier volet comporte l’harmonisation du seuil de certification légale des comptes au niveau des seuils européens, soit bien au-dessus des précédents.

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La mesure présente un impact direct pour les commissaires aux comptes.

 

Avec la loi Pacte, près de 25 % des commissaires aux comptes vont perdre la quasi-totalité de leur activité, 

a alerté Jean Bouquot, président de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes2.

Plus de 150 000 mandats vont disparaître – plus des deux tiers du périmètre d’intervention. On comprend aisément l’inquiétude de la profession – et la nécessité pour celle-ci de se réinventer. En réponse à la diminution des missions imposées, il lui faut créer de nouvelles opportunités de services, et savoir se rendre utile aux yeux des PME sur de nouveaux aspects. Autant de thématiques qui étaient abordées le 9 juillet dernier lors de la manifestation « Audit : les clés de la reconquête », sous l’égide de la Compagnie de Paris.

Une mission obligatoire revue à la baisse

Ne sont désormais tenues de désigner un commissaire aux comptes que les sociétés, quelle que soit leur forme, qui franchissent deux des trois seuils suivants :

  • un bilan de 4 millions d’euros,
  • un chiffre d’affaires hors taxe de 8 millions d’euros,
  • un effectif salarié de 50 personnes au cours de l’exercice3.

Des niveaux notablement plus élevés que les précédents – qui étaient restés inchangés depuis des années.

Ces nouvelles règles s’appliquent, en métropole, aux exercices dont la clôture est postérieure au 26 mai 2019, date de publication du décret. Les mandats de commissariat aux comptes en cours se poursuivent toutefois jusqu’à la date initialement prévue.

La dispense de désignation du CAC dont le mandat est en renouvellement (6ème exercice clos à compter du 31 décembre 2018) s’applique pour les comptes 2019 sous réserve que la société n’ait pas franchi au 31 décembre 2018 deux des trois nouveaux seuils, et que la délibération de l’assemblée statuant sur les comptes ainsi que la nomination d’un CAC n’ait pas eu lieu avant le 27 mai 2019.

Booster l’audit volontaire

La loi Pacte prévoit la possibilité pour les entreprises qui ne remplissent pas les critères de désignation obligatoire d’un CAC d’en nommer un à titre volontaire : c’est la mission d’audit légal des petites entreprises ou ALPE. Lorsque ces sociétés se dotent volontairement d’un CAC, elles sont autorisées à limiter son mandat à trois ans. L’enjeu consiste pour les CAC à encourager cette mission destinée aux petites entreprises en faisant valoir auprès de celles-ci l’intérêt de cet audit facultatif, notamment en termes de transparence économique et financière vis-à-vis des tiers. Des normes ont été publiées en juin 2019 pour en préciser l’étendue et les modalités.

Nouvelles missions : tout sauf le juridique ?

En contrepartie de la réduction de la mission légale des CAC, le législateur leur a concédé la possibilité de fournir des services et des attestations, dans le cadre de leur mandat ou en dehors de celui-ci. La loi n’indique pas la nature de ces services. Il ne leur est cependant pas permis de réaliser des prestations de conseil juridique – une précision apportée par les pouvoirs publics en réponse à l’inquiétude des avocats !

Pour le reste, les pistes de développement ne manquent pas, à commencer par la production d’audits sociaux, d’assistance à la responsabilité sociale et environnementale (RSE), ou encore en matière de cyber risques, un sujet d’actualité à l’ère du tout numérique… Attaché à préserver la pérennité de l’entreprise, le CAC peut ainsi être le conseil du long terme. Reste à savoir valoriser ces missions… et à les faire payer.

L’examen de conformité fiscale : une nouvelle mission à l’étude

L’audit fiscal est une autre piste de développement. Afin d’accompagner la mutation de la profession des commissaires aux comptes, et notamment les cabinets de petite taille, les pouvoirs publics étudient actuellement un dispositif de tiers de confiance, dont les CAC pourraient être les principaux rouages eu égard à leurs compétences, leur rôle habituel de certification et leur proximité avec les entreprises.

Cette mission (facturée en tant que telle) consisterait en un service d’audit et de validation de points fiscaux définis par le fisc. Les CAC pourraient le proposer aux entreprises relevant de l’impôt sur les sociétés. L’audit serait clôturé par la remise d’une attestation annuelle de conformité avec les divers points listés par l’administration fiscale. Lorsqu’il relèverait un point qui pose un problème, il proposerait à l’entreprise auditée de régulariser sa situation via une déclaration rectificative. En cas de refus de l’entreprise, le CAC ne validerait pas le point litigieux et le mentionnerait dans son rapport.

Attention cependant : le professionnel verrait sa responsabilité engagée en cas de rappel ultérieur par le fisc concernant les points audités, à l’exception bien entendu de ceux que l’entreprise aurait refusé de régulariser. Au titre de sa responsabilité, c’est le CAC qui devrait payer les éventuels droits et intérêts de retard dus au fisc. Il devrait en conséquence souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle pour couvrir ce risque. Les pénalités seraient en revanche à la charge de l’entreprise, sauf s’il était établi que le CAC s’est rendu complice de l’irrégularité.

La profession organise sa mutation

Le choc passé, la profession s’organise. La Compagnie Nationale des Commissaires aux Comptes a notamment créé cet été, l’Association « SOUTIEN CAC » pour accompagner les professionnels qui souhaitent demander une indemnisation pour donner suite à la loi PACTE. Mais son président, Jean Bouquot, encourage aussi et surtout ses confrères à profiter de la circonstance pour opérer un bond en avant. Une consultation nationale a été lancée en ligne sur trois thèmes – le rebond et les nouvelles missions, l’attractivité et le marketing de la profession, la réforme des institutions -, chacun étant invité à émettre ses réflexions et propositions. La CNCC propose en outre une offre de formation, appelée à se développer, pour accompagner la mutation du métier des CAC (https://formation.cncc.fr/).

Un « cataclysme4 » ? Les dispositions de la loi PACTE relatives au commissariat aux comptes vont en tous cas transformer en profondeur la relation des CAC avec les entreprises. De certificateurs imposés, ils peuvent – et doivent, pour soutenir leur chiffre d’affaires – devenir des auditeurs désirés. Un changement de paradigme qui ne sera pas un saut dans l’inconnu pour les experts-comptables qui cumulent ces deux missions.

 

1 Source : Compagnie nationale des commissaires aux comptes
2 interview accordée au magazine Option Finance le 3 juin 2019.
3 Article 20
4 Jean Bouquot, Le Figaro Economie, 16/05/2018

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