Les experts-comptables face aux défis du prélèvement à la source

Retour aux ressources

Le prélèvement à la source qui s’impose à tous le 1er janvier 2019 ne s’improvisera pas – et encore moins pour les experts-comptables ! Quelles seront ses implications sur l’organisation d’un cabinet, dans ses relations avec ses clients ? Les enjeux et les pistes à suivre pour gérer au mieux cette nouvelle obligation.

Expertise Comptable

12 Juil 2018

6 min

Plus de la moitié des entreprises comptant au moins un salarié confient la gestion de la paie et des déclarations sociales à un professionnel de la comptabilité, d’après la dernière étude du Conseil de l’ordre. Parmi elles, les entreprises de moins de 20 salariés sont celles qui font le plus appel à des professionnels pour la prise en charge du Social. Une externalisation qui s’explique avant tout par la complexité de la matière, les risques d’erreurs correspondantes, et l’absolue nécessité de tenir les délais de déclaration et de paiement.
En cabinet, le métier de gestionnaire de paie touche à la fois au droit du travail et à la gestion des ressources humaines. Sans oublier qu’il faut souvent faire preuve de pédagogie auprès des dirigeants… Quelles seront les implications de la prochaine mise en œuvre du prélèvement à la source sur leur activité ?

Une urgence à partager

« Le 1er janvier 2019, pour beaucoup de clients, c’est encore loin, commente Karine Basset, expert-comptable, associée du cabinet Denis-Farge & Basset à Toulouse. Mais pas question d’attendre la campagne des bilans de fin d’année pour s’y mettre ! ». Son cabinet a déjà préparé son planning d’intervention sur 2018, et a rédigé à l’intention de ses clients des notes d’information sur la réforme et son volet RH.

« Les clients qui externalisent la paie considèrent que le prélèvement à la source est le problème du prestataire », explique cette professionnelle. Sans doute, pour ce qui est de sa dimension technique. Mais cette petite révolution n’est pas sans soulever des interrogations parmi les salariés, par exemple sur la question de la confidentialité des revenus du ménage. On constate aussi une certaine confusion sur la place respective de l’administration fiscale et de l’employeur dans la détermination et l’application du taux de retenue.

Chargé de la gestion des paies et des déclarations, l’expert-comptable doit assurer son obligation de conseil, et aider les chefs d’entreprise à conserver un bon climat social face à un net à payer apparemment en baisse (du moins pour les assujettis à l’impôt sur le revenu, soit 42,3 % des foyers fiscaux en 2016 selon le rapport de la DGFIP). Autant commencer tout de suite : « Les premières réunions d’information sur site ont commencé la semaine dernière », précise Karine Basset. Depuis le 11 mai, le Conseil Supérieur de l’Ordre des Experts Comptables met du reste à disposition des experts-comptables un pack de communication sur le prélèvement à la source.

Des réticences à faire passer

La première interrogation constatée tient à la confidentialité des revenus du ménage – et c’est sur ce point que se sont d’abord exprimé les syndicats. Savoir qu’un salarié bénéficie de revenus annexes confortables, ou encore que son conjoint dispose d’une rémunération élevée, donnerait selon certains un avantage à l’employeur lors des négociations salariales. Faut-il pour autant s’attendre à un tsunami dans les relations employeur-employé ? L’expert-comptable relativise : « Dans les petites entreprises en particulier, tout se sait déjà. Le premier réflexe de beaucoup de salariés pourrait être de demander l’application du taux non personnalisé. Mais quand ils auront fait leur déclaration de revenus, et qu’ils seront informés des conséquences de son application sur leur net à payer (par exemple, le taux non personnalisé est déterminé pour un célibataire sans enfant) – autrement dit quand on entrera dans le concret, il est probable qu’ils reviendront sur leur décision, sauf peut-être dans les cas particuliers. »

Pour les contribuables qui avaient opté pour un paiement mensuel de leur impôt (la majorité), le choc psychologique du « net à payer », souvent annoncé, est également à relativiser, du fait d’un prélèvement étalé sur 12 mois au lieu de 10 avec le système précédent.

On voit bien que l’information tiendra une place primordiale dans une mise en place sans heurts. La campagne gouvernementale et les vidéos disponibles sur le portail impots.gouv y pourvoiront pour une part ; pour le reste, il faudra rappeler les principes :

  • l’entreprise – et l’expert-comptable chargé du Social – ne font qu’appliquer le taux communiqué par l’administration
  • les pénalités en cas d’erreurs ou de manquement ne concernent en rien le contribuable

Une organisation à cadrer

Associée spécialiste du Social dans son cabinet, Karine Basset est catégorique : la phase de Préfiguration s’impose. Le souci principal ? Collecter avec le bon taux, et reverser le bon montant au bon service des impôts à la bonne date. Des obligations finalement classiques pour un gestionnaire de paie. Reste à gérer la dimension technique – informatique et organisationnelle – de la mise en place du prélèvement à la source.

Techniquement, le doute n’est pas permis ! « Ça sera l’API. En mode API, les taux transmis par l’administration s’incrémenteront directement dans le système, sans perte de temps, ni travail ingrat, ni risques d’erreurs. » On sait ce que Karine Basset, utilisatrice de Cegid Quadra depuis 17 ans, attend de son éditeur…
En revanche, une attention toute particulière restera à apporter à la collecte de l’identité complète lors de l’embauche. Par exemple dans des secteurs d’activité où les prises de poste sont rapides (restauration, BTP), les noms quelquefois incomplets ou erronés, et où la pièce d’identité peut parvenir tardivement « Les salariés ont parfois un nom ou un prénom d’usage, qui ne correspond pas à leur identité administrative. Il faudra toujours suivre les alertes logicielles sur le numéro de Sécurité Sociale (si incomplet ou erroné), comme le fait Cegid Quadra paie », et se référer au compte-rendu métier (CMR) de la DSN, qui indiquera les modifications à faire.

Du stress supplémentaire ? « Depuis la DSN, nous savons que tout ne fonctionne pas forcément du premier coup, rappelle avec humour Karine Basset. L’administration nous indique que le système est testé, et promet une certaine clémence quant aux incidents techniques ; il ne devrait pas y avoir plus de stress que pour la TVA, par exemple, une fois les procédures internes du cabinet aménagées, et la formation des collaborateurs effectuée ». Là encore, la phase de Préfiguration s’impose pour que les gestionnaires de paie se rôdent au nouveau système, en amont de son application. Les éditeurs de logiciels ont de leur côté participé, avec réussite pour Cegid, à des phases de tests entre le 15 mars et le 30 juin 2018 afin d’assurer le bon déroulement informatique de la transformation.

Une rentabilité à préserver

Malgré certaines déclarations, le passage au prélèvement à la source ne sera pas neutre sur le prix de revient : « regarder chaque mois le CRM (compte-rendu métier), et y passer ne serait-ce que 10 clics et 5 minutes par client, ça n’est pas neutre – 8 heures par mois, soit 14 jours par exercice ! » Une raison de plus, pour un cabinet bien géré, d’améliorer son système informatique, et de passer à un logiciel muni d’une interface API.

À service supplémentaire, facturation complémentaire ? La décision n’est pas encore prise dans la grande majorité des cabinets – ce fut le cas également lors de la mise en place de la DSN. L’expérience acquise lors de la phase de Préfiguration permettra de lever les questions encore en suspens ; et s’il est probable que les lettres de mission doivent évoluer, ne serait-ce que pour signifier les nouvelles responsabilités, il n’y pas encore à date de nouveau modèle établi par le Conseil de l’Ordre.
La mise en place du prélèvement à la source constitue une nouvelle étape dans la vie d’un cabinet d’expertise-comptable. La part d’incertitudes qui resteraient à lever ne change rien aux fondamentaux du métier, ni aux obligations respectives. Le sens du service et la qualité du conseil, côté client, l’ergonomie des outils et le professionnalisme des gestionnaires de paie, côté cabinet, continueront à faire la différence !

Spécialisée dans le Social, Karine BASSET est associée de DENIS-FARGE & BASSET, un cabinet d’expertise comptable ouvert en 1992, qui compte 11 collaborateurs à Toulouse, à 300 mètres de la Cité de l’Espace, et gère environ 450 clients.

DÉCOUVRIR NOTRE DOSSIER SUR LE PAS

Contactez-nous

Un projet ? Une question ?

Nos experts vous répondent.

CONTACTEZ NOUS