Logiciel SaaS

Retail & Distribution

Trois questions à Patrick Bertrand, Directeur Général de Cegid

26 janvier 2017

4 min

Un entretien exclusif avec ce dirigeant très engagé sur toutes les questions du numérique et de la transformation des entreprises.

 

Quelles sont selon vous les grandes tendances de la « révolution numérique » en cours et quelles conséquences peut-on imaginer sur notre société ?

Source de progrès indéniables dans la santé, l’éducation, le partage des connaissances ou le commerce et plus généralement la « relation clients », le nouveau monde numérique impose de « donner du sens ». Car certaines innovations comme l’intelligence artificielle ou la robotisation peuvent faire peur. Faut-il lutter contre cette « révolution » ? Cela me semble difficile, voire impossible et sans doute pas souhaitable tant la révolution numérique est source de progrès ! Je pense qu’il vaut mieux s’inscrire activement dans le changement, anticiper ces révolutions dans nos vies personnelles comme professionnelles et se donner collectivement les moyens d’éviter les dérives. Dans ce contexte, le respect de la vie privée et la construction d’un internet de confiance sont clés. Et, comme les règlementations nationales ou transnationales, ne peuvent pas répondre seules à ces enjeux, c’est à nous tous, usagers ou producteurs de ces technologies et services, souvent disruptifs, de construire les termes d’un échange équilibré.

 

Le cloud, l’internet des objets, le Big Data ou l’impression 3D vont-ils changer les modèles économiques existants ? Les entreprises françaises sont-elles prêtes ?

Avant la révolution numérique, les concurrents mettaient du temps à prendre une place sur le marché, ce qui laissait la possibilité aux leaders de s’adapter. Mais ça, c’était avant ! Aujourd’hui, les modèles économiques sont bousculés très vite. Trop vite pour certains qui subissent « l’Ubérisation » de leur activité de plein fouet ! Les entreprises françaises ne sont évidemment pas immunisées contre ce phénomène. Il y a pourtant un « paradoxe français du numérique » qui peut s’avérer une chance pour nos entreprises. La France se situe au 2e rang mondial dans l’équipement numérique des personnes (smartphones, haut débit…), 4e dans le domaine de l’e-gouvernement, 1ère dans les services en ligne publics et est bien loin derrière dans la digitalisation des entreprises ! Selon une étude* de l’institut McKinsey, si les entreprises hexagonales accélèrent leur transformation numérique, la France pourrait d’ici 2020 accroître son PIB à un rythme de 100 milliards d’euros par an. La prise de conscience est là et j’ai confiance dans la capacité de nos entreprises à rattraper leur retard, notamment sous la pression du consommateur connecté.

 

Justement, en quoi le marché du retail peut-il tirer avantage de toutes ces innovations technologiques ? Quels efforts les enseignes doivent-elles faire pour en maximiser les avantages ?

Aujourd’hui, 90 % des ventes sont réalisées en magasin, mais elles sont à 50 % influencées par le web. Dans ce contexte, les investissements prioritaires pour les retailers français sont dans le développement de l’omni-commerce pour offrir un parcours shopping offline et online unifié. On assiste, aujourd’hui, au développement parallèle des magasins physiques et web, des services de type click & collect, store to home, à la digitalisation des points de vente, mais aussi à la modernisation de la chaîne logistique, au réagencement des magasins en fonction du parcours client – désormais protéiforme – et la formation des vendeurs. Ce dernier point ne doit pas être négligé car, aujourd’hui, le client potentiel est surinformé. Il en sait souvent autant si ce n’est plus que le vendeur. Celui-ci doit donc avoir les moyens humains et technologiques de recréer une relation à valeur ajoutée, en connaissant le consommateur et ses goûts, en répondant à son besoin d’immédiateté, voire en anticipant ses désirs. L’objectif ? Devenir un véritable conseiller, voire un « shopping coach », capable de créer une relation unique avec son client, pour faire de sa visite en magasin une expérience inoubliable et le fidéliser. Cette « dynamique vertueuse » n’est possible que si l’enseigne a réalisé les efforts organisationnels et les investissements nécessaires humains et technologiques pour créer cette relation et ces parcours omnicanaux fluides et performants avec ses clients.

 

Quelques mots sur Patrick Bertrand : Diplômé de l’Institut d’Etudes Politiques de Paris et titulaire d’une licence en Droit, Patrick Bertrand a rejoint Cegid en 1988 comme Directeur Financier et assure, depuis 2002, les fonctions de Directeur Général du Groupe. Très engagé sur les questions du numérique, il est le cofondateur de l’Association française des éditeurs de logiciels (AFDEL), dont il a assuré la présidence entre 2007 et 2012, et membre du Comité consultatif pour l’économie numérique (CCEN) auprès du Commissariat général à l’investissement.

 

Membre en 2011 et 2012 du Conseil National du Numérique suite à sa nomination par Nicolas Sarkozy, il participe en 2014 au programme « 34 plans industriels » lancé par François Hollande, en tant que « personnalité qualifiée » du comité de pilotage présidé par le ministre de l’Economie. Il est également membre depuis 2010 du Conseil d’Administration de la Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication (FIEEC).

 

Il est aujourd’hui Président de l’association Lyon French Tech.

 

*Accélérer la mutation numérique des entreprises : un gisement de croissance et de compétitivité pour la France (McKinsey – octobre 2014)