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Retail & Distribution

Fini le « data-driven », priorité au « customer-driven »

26 janvier 2017

4 min

Rencontre avec Cédric Ducrocq, PDG du groupe Dia-Mart, speaker lors du World Retail Congress de Rome.

Vous avez participé au World Retail Congress à Rome. Qu’est-ce qui vous a surpris ?

Cédric Ducrocq : J’ai été frappé par l’optimisme des Anglo-Saxons par rapport aux pays latins, plus pessimistes et recroquevillés. Les Britanniques et les Américains sont clairement dans une période de retour à la croissance. La crise étant derrière eux, ils retrouvent des problématiques de « riches » : Commentaugmenter les prix, la marge et baisser les promotions ? En France, on n’en est pas encore là…

Quel est l’état d’esprit des pays émergents ?

CD : Ils atterrissent de façon plus ou moins brutale. Certains sont en récession, d’autres sont dans un désastre absolu. Par exemple, les Russes très nombreux au World Retail Congress il y a encore deux ans ont complètement disparu. Le Brésil annonce deux ans de récession et la Chine commence à serrer les boulons, avec 6 % de hausse du PIB prévue cette année. Les distributeurs chinois passent d’une phase de « Far West », où l’enjeu était de prendre les m2 commerciaux le plus vite possible, à une étape plus exigeante de professionnalisation nécessitant un pilotage plus fin.

en est le déploiement du e-commerce en Europe?

CD : D’un côté, beaucoup de distributeurs français, italiens et espagnols sont lents et hésitants à se lancer dans la transformation digitale. De l’autre, les distributeurs anglo-saxons ont retroussé leurs manches et sont dans l’exécution opérationnelle. L’intégration du e-commerce n’est plus un défi de demain, c’est une réalité d’aujourd’hui. Le travail sera long mais il est en cours. Le Royaume-Uni est le pays le plus avancé au monde en termes de « click & collect ». C’est même devenu une norme. 

Et pour les pays émergents ?

CD : Les Asiatiques avancent très vite dans le e-commerce. Forcément, le taux d’équipement en magasins modernes est faible et Internet permet d’atteindre très rapidement les consommateurs des villes les plus reculées. L’Inde compte 600 000 villages, 4 500 villes dont 28 villes ont plus de deux millions d’habitants. Qu’estce qui va plus vite, ouvrir 1 000 ou 2 000 magasins ou lancer une activité de vente en ligne en s’appuyant sur un prestataire logistique solide ?

Toutes les enseignes cherchent à mieux exploiter les « data » des clients. Qu’en pensez-vous ?

CD : Je suis frappé par l’importance de ce sujet pour les Anglo-Saxons. Ils n’ont que ce mot à la bouche et à les entendre, il s’agit là de la prochaine révolution du « retail ». Certes, quand les temps sont durs, il faut piloter l’activité plus finement et optimiser les virgules pour gagner de l’argent. Mais globalement, je suis plus prudent comme beaucoup de distributeurs français. Selon moi, la priorité absolue n’est pas d’être « data-driven » mais « customer-driven ». Les enseignes françaises doivent passer d’une culture-produits à une culture-clients : c’est leur priorité ! Et avant de penser big data, commençons déjà par exploiter intelligemment les datas de base (ventes…), ce qui est loin d’être le cas.

Comment les enseignes utilisent-elles concrètement les « data » clients ?

CD : Ces données constituent une mine d’informations permettant d’affiner ses assortiments, ses prix et ses promotions. Et leur traitement automatisé, à grande échelle, permet de générer du volume. Par exemple en termes de promotion, les « stimuli ciblés » basés sur l’historique d’achats d’un client maximisent le taux de transformation en acte d’achat. Concernant le category-management, certains produits ne sont pas des best-sellers mais sont achetés par des clients très fidèles : il vaut donc mieux les garder dans l’assortiment. Sur le principe, cela n’est pas nouveau. La technologie permet, en théorie, de faire beaucoup plus, et notamment, d’automatiser pour gagner en productivité et en réactivité. Mais en pratique, j’ai du mal à trouver un exemple d’enseigne améliorant concrètement sa productivité, son chiffre d’affaires et sa marge grâce aux « data ».

Les datas sont-elles de la poudre aux yeux ?

CD : Bien sûr que non. Pour le moment, il s’agit certes d’un acte de foi plus que d’une évidence démontrée… Mais à voir l’enthousiasme des Anglo-Saxons, les Français sont peut-être en train de passer à côté de quelque chose. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas encore de résultats concrets que le potentiel n’existe pas. Pour se lancer dans Amazon, Jeff Bezos n’a pas attendu d’avoir la preuve effective du potentiel du e-commerce !