Logiciel SaaS

Finance & Fiscalité

Contrôle fiscal : une transformation numérique à prendre au sérieux

29 mai 2018

5 min

Finie l’année des coiffeurs, et celle des avocats. La transformation numérique de l’administration fiscale a changé aussi son paradigme. L’usage de puissantes solutions de datamining et la mise à disposition sur simple demande – et bientôt systématique ? – du Fichier des Ecritures Comptables, imposent aux entreprises de nouvelles pratiques, explique Rémi Gouyet, avocat associé chez eTAX.

L’objectif de l’Administration fiscale est clair : améliorer la productivité de ses services. Pour un meilleur rendement des redressements, elle a mis en place des outils de datamining et d’analyse prédictive capables de dégrossir les données et de désigner les vérifications à lancer. La généralisation du FEC lui donne des moyens nouveaux pour poursuivre ses missions.

Un mouvement irréversible

« Le contrôle fiscal se digitalise de plus en plus. Avant, l’informatique était réservée à certains inspecteurs. Aujourd’hui, toutes les brigades, même locales, sont formées », commence Me Gouyet. L’administration industrialise en quelque sorte ses procédures de vérification, suivant en cela un processus lancé par une directive européenne voici près de dix ans.
D’après le spécialiste, toutes les entreprises, des grands comptes aux PME, verront d’ici peu de temps leur FEC analysé systématiquement par les algorithmes de l’administration fiscale.

A noter que l’URSSAF suit le même mouvement : « Le FEC est de plus en plus demandé par l’URSSAF, à qui il donne accès aux notes de frais, aux avantages en nature, etc. ». Là-aussi des logiciels sont à l’œuvre pour déceler les écarts et les potentiels abus.

« Contrôles sur FEC, chaque année une nouveauté »

La marche vers le contrôle automatisé préalable à une éventuelle vérification passe par l’usage du FEC, ce qui explique qu’on voit « chaque année des nouveautés à son sujet », commente Me Gouyet. En voici les étapes principales :

  • 1/01/2014 : Transmission obligatoire du Fichier des Ecritures Comptables en cas de contrôle. On reçoit directement un avis d’intervention, l’entreprise a 15 jours pour remettre le FEC à compter de la réception de l’avis, puis l’administration a 6 mois pour notifier un éventuel redressement (une procédure à destination des TPE/PME).
  • Depuis le 31 décembre 2016 : l’administration est désormais autorisée à demander et à traiter le FEC à distance, avant avis de contrôle : c’est « l’examen de comptabilité ».
  • Prochaine étape, d’après le fiscaliste : « très bientôt, le FEC devra être transmis en même temps que la liasse fiscale. L’administration pourra ainsi procéder à un examen systématique, au lieu d’opérer par sondage. Le fichier va passer du statut d’un outil de pilotage du contrôle, à un outil de déclenchement du contrôle. »

Les conséquences pratiques

Les applicatifs peuvent gérer des volumes de données sans commune mesure avec le vérificateur manuel, et traiter un champ d’investigation étendu, en matière de TVA, d’IS, de ratios, etc. Par exemple, calculer un taux de TVA moyen pour vérifier que la TVA collectée était bien à 20%, ou repérer des postes qui n’auraient pas dû bénéficier de la récupération – comme l’hébergement d’un salarié en mission.

« Le contrôle devient plus aléatoire. Finie l’année des coiffeurs, celle des avocats etc., illustre Rémi Gouyet. Le contrôle a priori… n’a aucun a priori. »

Comment se prémunir ?

Le paradigme de l’administration fiscale a changé, l’entreprise doit elle aussi acquérir de nouveaux réflexes. Le premier d’entre eux est de faciliter le contrôle du vérificateur « automatique » et d’éviter de susciter ses interrogations.

  • Comprendre les exigences de l’administration. A commencer par le libellé d’écriture comptable, un sujet crucial pour permettre le bon fonctionnement des logiciels de datamining en texte intégral.
  • C’est ainsi que les abréviations « maison » sont à proscrire, de même que les libellés en langue étrangère.
  • « Ne pas être lisible, c’est entraîner des questions », appuie l’avocat.

Tester pour s’assurer de la conformité du FEC aux exigences. L’administration met à disposition un petit logiciel téléchargeable qui permet un autotest sur les aspects formels du FEC : rubriques bien dénommées, séparateurs des différents champs, etc. Les éditeurs de logiciels de gestion, dont CEGID, proposent des tests de cohérence pour vérifier sa capacité à répondre à l’administration en cas de contrôle.

Plus de moyens, moins de contacts

Ces nouveaux moyens risquent-ils de limiter les contacts entre l’administration fiscale et les entreprises ? Sans doute, d’après Rémi Gouyet : « on doit s’attendre à moins de débats oraux et contradictoires. Le vérificateur vous écoutera… peut-être. »

La charge de la preuve reste à l’entreprise : « sans plus de détails quant à la future loi sur le droit à l’erreur, pour l’instant ce qui change ce sont les moyens mis en œuvre. Si le fisc rejette des frais par défaut, ça sera toujours à l’entreprise de démontrer que les dépenses ont été engagées dans l’intérêt de l’entreprise. »

Deux procédures coexistent encore au livre des procédures fiscales, précise l’avocat :

  • Comme jusqu’ici, l’échange peut avoir lieu avant la notification de redressement, avec débat oral et contradictoire préalable,
  • Nouvelle procédure : avis d’intervention – transmission de FEC. Pas de débat réel, il faut attendre la proposition de rectification pour pouvoir contester.

Face à une administration fiscale désormais capable de déceler des irrégularités de manière automatique, il ne s’agit plus de « tenir la comptabilité », mais bien d’anticiper les éventuels contrôles. Les logiciels de gestion ont su changer en garantissant l’intégrité et l’inaltérabilité des données saisies ; ils doivent continuer à évoluer, notamment pour offrir des possibilités de tests préalables à l’envoi de la FEC.